Les oublis du consistoire israélite de la Gironde

une vidéo de Valérie Hubert-Cassant Journaliste indépendant

Nous vous présentons deux vidéos particulièrement éclairantes de l’attitude du consistoire israélite de la Gironde.

Un peu d’histoire… sur les raisons de ce retard de 7 ans.

Voir la vidéo de Valérie Hubert-Cassant, journaliste indépendante sur notre chaîne Youtube.

Dans cette vidéo, Erick Aouizérate, explique les raisons profondes qui ont conduit ses prédécesseurs à se constituer partie civile 7 ans après nos premières plaintes. Dans le second film, il persiste dans les erreurs concernant le nombre de déportés de Bordeaux comme si cette exactitude était sans importance.

Chaban Delmas avait déclaré « J’ai toujours considéré Papon comme l’un des nôtres dans la Résistance». Et, sous entendu, il interdit à son entourage de nous soutenir. En fait, Chaban protège la famille gaulliste. Voilà ce qu’en dit Erick Aouizerate « il y avait des hommes d’influence comme Jacques Chaban Delmas ». Dans son entourage, Trois adjoints sont directement liés à la question. Schwartz, président du consistoire – Caroline Daigueperse avocate du consistoire et Georges Bouhana, président de la LICRA Gironde. Ils refusent de nous rejoindre. Le pire étant, si tant est qu’il y ait un pire, Georges Bouhana à qui on présente les preuves que son père a été déporté par Papon, qui refuse de se joindre à nous et qui le jour de l’ouverture vient chialer sur mon épaule en regrettant et en s’excusant de ne pas s’être constitué partie civile. « Le consistoire voulait l’apaisement, le calme car il ne savait pas dans quelle direction allait le procès Papon ? » et « des raisons de sagesse et la volonté de rester intégrés dans ce pays. Des craintes de retombées négatives pouvaient aller sur la communauté. » Sans commentaire. On voit à quel point mène la lâcheté. Mon père et Michel Slitinsky disaient que les Juifs ashkénazes étaient rejetés par la vieille communauté juive marranes. Mais non, en fait c’était de la lâcheté et de la compromission à l’état pur.

En fait, ce n’est qu’après des années de combat, de démarches, de sollicitations que nous avons obtenu que le consistoire se joigne à nous. Pour moi, il était impensable que la communauté juive officielle ne se joigne pas à nos plaintes, cela aurait été comme une infamie sur notre combat. De la même façon, j’ai attendu des mois, pour être invité à Bordeaux pour parler de mon livre, c’était pour moi, de la même manière inconcevable que je ne fasse pas une conférence à Bordeaux.

Un soir de 1988 ; nous sommes invités à diner à Caudéran, chez les Schwartz, Gérard Boulanger et moi. Nous passons la soirée et le diner à apporter les preuves de la responsabilité de Papon sur la shoah bordelaise. Je me souviens que madame Schwartz était très sensible aux spoliations des biens juifs et nous expliquait son dégout de voir chez des bourgeois bordelais des objets de culte typiquement juifs qui ne pouvaient qu’avoir été volés. Je lui parle d’Esther qui retrouve la robe de sa mère portée par une de ses anciennes voisines. Le diner prend fin. Gérard repose la question :  » est-ce que vous allez enfin vous joindre à nous« . Monsieur Schwartz nous répond « je vais réfléchir, je vais réunir le consistoire pour en parler » réponse habituelle qu’il nous ressort depuis des années. A ce moment, Madame Schwartz intervient « ha non, cela suffit, maintenant. Mr Matisson, dès demain matin, le consistoire va se constituer partie civile. ». Ce qui fut fait. Le véto de Chaban tombe, puisque Schwartz est son adjoint et que la plainte du consistoire de la Gironde est déposée par Maître Daigueperse, elle aussi maire adjoint.

Enfin, sous forme d’excuses ou de justification à ses propres défauts, Erick Aouizérate affirme que « Jacques Chirac a mis 14 ans entre notre plainte et sa déclaration de 1995. Va-t-on lui reprocher ? » et « Merci à Jean-Marie Matisson d’avoir été le fer de lance de ce combat pour la mémoire de tous ces gens déportés et aussi pour l’honneur du pays. »

Le nombre de déportés

Synagogue le mur des noms – 1565 noms

La deuxième vidéo montre Erick Aouizérate donner un nombre de déportés de 1665.

Oui, je sais, on me retorquera qu’un seul déporté, c’est un de trop. Mais si le travail que je mène depuis 1981 ne rend pas hommage à toutes les victimes, à quoi bon ? Un jour à Périgueux, à l’issue d’une conférence, un vieux monsieur vient me voir et me demande si sa mère faisait partie des déportés de Bordeaux, je lui demande comment elle s’appelle, je recherche sur ma liste et ne trouve pas son nom. Il repart la tête basse, visiblement déçu. Je le rappelle en lui disant que si c’était sa mère, peut-être qu’elle avait été déportée sous son nom de jeune fille. Je recherche à nouveau et lui dit quand elle a été arrêtée et dans quel convoi elle a été déportée à Auschwitz. Pas de merci, juste il a éclaté en sanglots. Voilà, c’est pour les larmes de ce vieux monsieur que je pense qu’il ne faut oublier personne.

Tout commence lors du procès, pendant ma déposition, je demande de lire les noms des victimes, voilà qui me semble indispensable. Et qu’on ne nous dise pas que nous perdrions du temps. Lire le nom des 1597 victimes de Papon, c’est en gros la moitié du temps que nous fait perdre Maître Varaut à chaque début d’audience.

Il en est de même pour les vieilles photos jaunies, nous avons estimé au sein de la famille qu’il était important de montrer nos photos jaunies par 55 ans d’oubli national, pas tant pour les montrer à Papon, que pour montrer au jury ce qu’est une famille brisée, pulvérisée par l’extermination de la moitié des siens, mères, pères, oncles, tantes, grand-mère et enfant.

Le mur des noms, qui me cite dans les personnalités à son origine


Les chiffres les plus déroutants circulent sur le nombre de déportés. Faut-il vraiment l’appeler liste des déportés ? Par exemple, si vous reprenez les déportés de ma famille, ceux de Bordeaux y figurent bien. Mais Jése, Hélène Brittman, née Rawdin, la sœur de ma grand-mère y figure aussi mais voilà, elle n’a jamais été considérée comme une déportée par ma famille, car elle fut libérée à Drancy, parce que son mari était un ancien combattant de la guerre 14-18. Les raflés de Bordeaux, qui ont arrêté leur chemin, heureusement pour eux à Drancy, peuvent-ils être considérés comme des déportés ?


Trois listes ont servi de base aux calculs :

  1. L’acte d’accusation qui donne 1560 déportés

2. La liste de Klarsfeld basée sur les archives de Drancy qui donne 1587
déportés dont 195 enfants

3. La liste de Slitinsky, basée sur ses travaux sur les spoliations et les
départs de Mérignac qui donne 1663 déportés dont 230 enfants de moins de 17 ans.
La liste de la Synagogue, qui n’est qu’une reprise améliorée de la liste
Klarsfeld et qui a utilisé la liste informatisée que j’avais fournie à l’auteure – si une preuve formelle devait en être fournie, elle reproduit, exactement la même erreur de calcul de l’âge d’un déporté que j’avais commise – mais, plus grave oublie deux des victimes de la procédure, pourtant bien présentes dans l’acte d’accusation.


Il faut savoir que le train mettait deux jours pour aller de la Gare Saint-Jean à Austerlitz puis Drancy, qu’il s’arrêtait à Libourne et à Coutras pour charger des Juifs, ailleurs peut-être aussi, hors de la juridiction de la préfecture régionale de Bordeaux. L’hospice de vieillards de Créon a été inclus sur une liste avec 54 déportés, celle de Slitinsky, or il s’agirait d’une erreur. Le convoi dit du camp de l’organisation Todt Linderman rassemblant 76 Juifs le 21 juin 1944, ne figure que sur une liste, celle du ministère public. En réalité, après synthèse et vérification, il y aurait (je mets un conditionnel pour indiquer un doute raisonnable) eu 1597 noms mentionnés sur une liste ou une autre, dont 180 enfants de moins de 15 ans ou 203 enfants (de 0 à 16 ans) – 10 convois et 2 transports de quelques déportés. Quiconque prétendant connaître le chiffre exact de déportés de Bordeaux ne connaît pas la réalité.

Le mémorial à l’extérieur de la synagogue qui a compté la moitié des déportés pendant des dizaines d’années

Quand je fais ma déposition devant la cour, le juge Castagnède m’interroge sur ma famille, confond les liens de parenté de mon arrière grand-mère et de ma grand-mère. Je lui demande alors pourquoi on ne cite pas l’ensemble des déportés de Bordeaux. Il me répond, qu’ici, ce n’est pas un lieu de commémoration, que le tribunal n’est pas le lieu pour faire cela. Depuis ce jour, je n’ai eu de cesse de publier l’ensemble des noms des déportés de Bordeaux.

Un nom sur une liste, c’est plus qu’un bout de papier, il y a toute la vie, voire la survie d’une famille derrière. J’ai publié cette liste complète, classée par convoi, par ordre alphabétique et par âge sur mon site. J’ai été voir plusieurs fois le grand rabbin Maman, j’ai écrit au président du consistoire, jusqu’à les harceler pour savoir pourquoi le mur à l’extérieur de la synagogue était aussi incomplet ? De mémoire, il doit y avoir entre 500 et 600 noms, loin des 1597 . J’ai même eu longtemps une vidéo où on voit le Grand Rabin Maman me dire  » vous me faites chier, Monsieur Matisson »

Je n’étais pas le seul, puisque Juliette Benzazon aurait effectué la même démarche que moi auprès du Grand Rabbin Maman.

Je n’ai jamais eu de réponses du Grand rabbin Maman si ce n’est un grand agacement devant mon insistance. Et agacement est un mot très courtois pour décrire ses réponses. C’est là que j’ai compris à quel point notre famille avait été aussi mal intégrée, si mal admise dans la communauté juive marrane bordelaise d’avant guerre. Toujours est-il qu’il ne bougeait pas. Ce n’est que bien plus tard, un jour de 2015, que je reçois un appel de Erick Aouizerate, le président du consistoire qui me dit vouloir me parler. Rendez-vous est pris et je me retrouve avec mon épouse, reçus dans une salle de réunion de la Synagogue devant une vingtaine de personnes. Là, je me dis, il se passe quelque chose. Et Erick Aouizerate me dit qu’ils sont prêts à accéder à ma demande, c’est-à-dire à publier la totalité des noms raflés et déportés de Bordeaux. Il me demande comment faire ? Je lui dis que pour moi, le mieux est de refaire le mur extérieur, on efface les noms et on le refait de façon complète. Hélas, il m’explique que le mur est classé monument historique et qu’y figurent aussi des anciens combattants de la guerre 14-18. C’est ainsi qu’est née l’idée de faire des panneaux rétro éclairés qui figurent sur les parvis à l’intérieur de la synagogue, appelée « paroi des noms » sûrement en écho au mur des noms du mémorial de la Shoah, hélas, la paroi n’a pas la même rigueur. La synthèse de mes listes, la seule informatisée à l’époque a été reprise. Le chiffre de déportés à la synagogue est de 1585, officiellement, ils parlent de 1565, à rapprocher de celle des Klarsfeld au moment du procès 1587.
N’ayant pas pu avoir accès à la liste informatisée de la synagogue, l’auteure me la refusant alors qu’elle n’avait ni hésité à utiliser les miennes à l’origine ni franchement refusé de le faire, tergiversant en permanence – Carole Lemée m’a fait perdre 6 mois pour finalement prétexter que Serge Klarsfeld était mourant (c’était après la mort d’Esther) et qu’elle ne voulait pas s’associer à moi. J’ai donc repris mes listes et renseigné les camps d’extermination grâce au site de Yad Vashem, de loin, le plus complet sur la Shoah.

La profanation et l’absence du consistoire.

A rapprocher de ce qui s’est passé pour la profanation du cimetière israélite de la Gironde… Le consistoire s’est constitué partie civile contre l’auteur de la profanation. Mais je n’ai pas voulu que le consistoire soit la seule partie civile. Je ne voulais pas qu’un jour on pardonne à l’auteur ce crime de la mémoire et qu’on lui demande juste de venir nettoyer le cimetière. Le jour du procès, j’étais le seul représentant des victimes, l’avocat du consistoire m’a même pris à témoin en tant que et victime de la profanation et plaignant contre Papon. Mais du consistoire personne. Comme d’habitude, il a brillé par son absence. Le chapitre suivant en parle longuement.

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