Un dossier accablant pour Papon… Le traficotage des nationalités. Je m’explique : Papon arrête des Juifs hongrois ou grecs, en 1942, ils ne sont pas déportables, ils sont relâchés par les allemands de Mérignac. Quelques jours après, ils réapparaissent, même nom, même prénom, même date de naissance mais Budapest devient Bucarest, Hongrie devient Roumanie et là, ils sont déportés puis exterminés. C’est une des spécialités du service des question juives de la préfecture avec la déportation des enfants ( avant les accords Oberg-Bousquet, on les met dans des familles d’accueil et quand les accords s’appliquent, on va les chercher ) et des catholiques.
extrait page 171 – 177
Jean-Louis Castagnède : « Mais enfin, Papon, avec ces falsifications de nationalité, nous sommes au cœur du Crime contre l’Humanité »
Maître Varaut revient sur les propos tenus hier par nos avocats sur la falsification des nationalités. Il prétend que la liste présentée hier a été établie en 1948 à la demande de Stienne juge du procès Dehan. Il demande l’audition de Bergès et du général Stienne et enfin accuse les parties civiles de forfaiture.
(Brouhaha dans la salle.)
Le président Castagnède : « Ce ne sont pas de nouveaux documents, ils sont au dossier. Chaque partie civile a amené ces listes. Moi, j’ai travaillé sur d’autres documents. Voici un document, la liste des femmes déportées. “État des Juifs Femmes” et voici un autre document “État des Juifs Hommes”
(…)
L’avocat général Robert : « Et soudain, on voit le 3ème type de listes, celles des déportés, nous nous apercevons que quelques soient les listes que nous prenons la nationalité disparaît. C’est bien la preuve que Maître Klarsfeld a raison, cela a lieu à Mérignac. Sur une liste, nous voyons Yunger Lazare, né le 26 mai 1900 à Kalinsky en Hongrie. Il se retrouve dans une autre liste apatride, puis polonais. »
(…)
La défense crée un nouvel incident en parlant d’un document apparemment inconnu du dossier. Finalement et une fois de plus, il existe déjà au dossier, mais les avocats s’énervent. On assiste alors à une scène ubuesque. Varaut, Klarsfeld, Boulanger et Favreau sont debout parlent tous en même temps, s’invectivent. Il est question d’un livre blanc pour les parties civiles, bleu pour Varaut, Klarsfeld lui lance à ce moment « C’est vrai que vous n’êtes pas Blanc Bleu ». C’est chacun à qui son exemplaire est meilleur que l’autre. Boulanger et Favreau s’engueulent, Favreau veut verser son exemplaire, Boulanger ne veut pas. Las, l’avocat général Robert s’assoit en levant les bras au ciel. Le président Castagnède sourit. On se lance du Bergès par-ci, du dossier annulé par là, des livres publiés en librairie pour les uns, à la bibliothèque de l’académie pour l’autre, Varaut, notre cher académicien ami-ami avec Druon, le maudit. Les parties civiles sourient, ça doit être ça l’oralité des débats.
Le président Castagnède met fin à la discussion « C’est hallucinant, j’arrête la discussion. »
L’avocat général Robert « Quant à moi, je continue à travailler sur le dossier. Il me suffit en l’état. » Et l’interrogatoire se poursuit. Il s’interroge sur le cheminement des listes. Quand Papon demande à l’avocat général Robert ce qu’il aurait fait à sa place, il répond certainement pas comme vous. Les parties civiles « il fallait partir, il fallait démissionner. » L’avocat général Robert
signale que les commissaires envoient bien leur rapport à Garat. Évoque les arrestations de Libourne qui répondent aux instructions du service des questions juives à la préfecture et envoient leur compte rendu au service des questions juives.
Papon, à un moment, a ce mot « Il faut demander à l’agent de police pourquoi il procède à l’arrestation. »
L’avocat général Robert « C’est fou le nombre de subordonnés que vous ne contrôlez pas, qui n’en font qu’à leur tête. Quelle organisation? » Il parle ensuite d’un compte rendu du Bouscat qui selon les instructions du service des questions juives deux jours après le départ du convoi arrêtent deux Juifs oubliés. « Pourquoi le service des questions juives dit il faut les arrêter tout de suite ? » Puis l’avocat général Robert aborde le troisième chapitre de son interrogatoire, le résultat des rafles. Papon revient sur ses explications paponesques, les différences entre les chiffres allemands et les siens sont dues à lui et à ses sauvetages. Cite un entretien téléphonique entre Eichmann et Danneker qui se plaint qu’un train de Bordeaux n’est pas parti, le nombre mentionné est celui donné par Garat. L’avocat général Robert revient sur les Juifs grecs et hongrois dont on change la nationalité, L’avocat général Robert « Joseph Cohen, grec; Benjamin Schwartz, Albert Barnathan toutes ces personnes sont déportées alors qu’elles auraient dues être exemptées. Papon, vous n’avez toujours pas d’explications ? »
Papon « Non »
L’avocat général Robert « Quand on dit qu’on sauve des Juifs, que le chiffre de 70 % d’arrestations est bon. Que c’est un échec pour les allemands. Connaissez-vous les autres résultats en France ? »
Papon « … »
L’avocat général Robert « La rafle du Vel d’Hiv avec des moyens plus importants a donné un résultat de 40 %. Alors êtes-vous fier de réaliser un score de 73 %? »
Papon « Je voudrais vous y voir à ma place. Qu’est-ce que vous auriez fait ? »
L’avocat général Robert « Je n’aurai jamais été à votre place. » (…) « Quand on adresse un message de félicitations sur en-tête du secrétaire général. »
Papon « C’est Garat. »
L’avocat général Robert « Non c’est votre en-tête – secrétariat. Donc votre secrétaire prend beaucoup d’initiatives. Encore un subordonné qui n’en fait qu’à sa tête ? »
etc., etc.
Last modified: 29 septembre 2020