extraits du livre et présentation

Mon livre est enfin publié !

Il sortira en Librairie deuxième quinzaine d’octobre

Merci à Éric Pédegai, mon éditeur et son équipe de « La Lauze » pour la qualité de leur travail.

Merci à Patrice Boyer pour sa préface, à François Fournier pour sa bibliographie commentée et à ma fille Alicia pour m’avoir réécrit « les petits cailloux », chapitre essentiel qui retrace l’histoire familiale.

Une quinzaine d’œuvres d’Esther Fogiel, artiste méconnue, sont présentées dans ce livre.

Extrait page 11 :

Pourquoi les vrais chiffres et pourquoi la vérité sur le dossier ?

Ce livre se veut une réponse à ceux qui soutiennent Papon sans réserve, à ceux qui changent de camp en croyant que la vérité change de camp avec eux, à ceux qui s’arrangent de la vérité, qui se servent sans donner en retour (…) ce livre se veut une réponse face aux chiffres les plus fous qui circulent et notamment sur le nombre de convois, de raflés et de déportés. Il se veut une réponse encore, devant les récupérations de paternité de l’affaire et devant les distorsions de la réalité sur le rôle joué par chacun. Il me semblait indispensable que dans ce travail de mémoire, il faille rétablir la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, sans révisionnisme ni négationnisme et tant pis, pour ceux et celles qui se font épingler sur le tableau noir de l’histoire.

Extrait page 24 :

Les petits cailloux par Alicia Matisson

Aujourd’hui, dans les collèges et lycées, dans lesquels mon père va témoigner tous les ans pour parler de la déportation, les enfants et les professeurs veulent re-humaniser les victimes et travaillent sur la reconstitution des familles. Cela m’est apparu comme une obligation de traduire en récit, des chiffres et des faits, ne serait-ce que d’imaginer comment mes grands-parents ont grandi avec la guerre. Recréer l’atmosphère de l’époque pour comprendre leur état d’esprit, les enjeux. Mettre en évidence les petits gestes, les héros la plupart anonymes, qui ont permis qu’aujourd’hui je me lance dans cet exercice de « romantisation » de mon histoire familiale. C’est une histoire recomposée à partir de non-dits, de bribes de souvenirs d’enfants traumatisés, trop jeunes certains pour se rappeler la douceur d’une mère, mais tentant de donner un sens à leurs démons, fardeau de la mémoire du survivant. C’est une histoire reconstituée à posteriori, par des recherches, des éléments administratifs… 50 ans après la guerre, lors du procès Papon, des mémoires, ont resurgit les souvenirs terribles de ces rescapés

Extrait page 45 :

Transmettre

Maurice, refusait toute appartenance quelle qu’elle soit. Pour être lui-même, réellement lui-même, citoyen du monde. Il ne se voulait pas juif, mais était porteur de cet héritage. Le siècle a commencé par le procès Dreyfus et s’est terminé par le procès Papon. Tous les deux auront permis de lutter contre l’intolérance, le racisme, le rejet de l’autre. Ce dernier procès aura permis à la France de retrouver une part de sa mémoire et de sa dignité sans lesquelles il n’y a pas d’espérance possible. De ce procès, je conserve deux sentences en mémoire, comme les limites d’une ligne de démarcation de l’indicible : le grand rabbin Sitruk : « Le Juif est le baromètre de l’histoire » et l’historien Philippe Burrin: « En terre chrétienne, la disparition des Juifs – conversion volontaire ou forcée – a toujours été inscrite structurellement dans l’horizon intellectuel du christianisme ».

Extrait page 262 : Extrait de la plaidoirie de Michel Tubiana :

… vous n’avez été qu’indifférent. Ce furent des temps où il fallait rompre et vous avez… » Papon: « Vous faites de la démagogie. » Maître Tubiana : « Vous êtes complice de l’oubli et du mépris des droits de l’homme et vous avez oublié ce qu’est un Juif. » Papon: « Vous mentez » Le président Castagnède s’interpose, Papon: « Il me parle, je réponds! » Le président: « Vous aurez le temps de lui répondre, laissez terminer la plaidoirie. » Papon: « Il y a des choses qui dépassent l’audible. » Maître Tubiana : « Quelque chose l’a touché. Il vient peut-être d’exprimer que quelque chose a pénétré dans lui de sa responsabilité. Je disais, que vous avez oublié qu’un Juif est un homme. » Papon: « Vous êtes un calomniateur, il y a des choses qui ne sont pas audibles. Laissez moi me retirer dans mon salon! » Le président Castagnède : « Papon, ce n’est pas vous qui partirez, c’est moi qui vous ferai évacuer… » Varaut intervient, sa main sur celle de Papon, le calme ou essaye… Papon se rassoit, mais comme le dirait Klarsfeld, il boude… Maître Tubiana a obtenu la preuve de ses affirmations. Papon, qui l’interrompt n’a apparemment pas compris ce qu’il faisait ici. Maître Tubiana continue : « Nous ne venons pas demander vengeance. Simplement justice. Vous condamnerez Papon. C’est bien le même homme, le même dédain, le même mépris, le même cynisme. Aujourd’hui dans le box, comme hier dans la cour de la préfecture de police de Paris quelques heures avant le massacre des Algériens; comme avant hier, le 26 octobre 1942, quand il allait déjeuner chez le préfet, son patron et son ami, tandis que les Juifs étaient embarqués pour la mort. “Michel Tubiana termine avec la tirade de Shylok, de Shakespeare, dans le Marchand de Venise.” Un Juif n’a-t-il pas d’yeux ?… Et oui monsieur Papon, un Juif est un homme, comme étaient des hommes tous ceux qui ont payé de leur vie de s’être révolté contre un régime que vous avez servi sans états d’âme et sans remords, ce dont nous venons vous demander réparation. »

Extrait page 504 – 505 L’histoire est un éternel recommencement

L’histoire bégaye, un matin de janvier, un dimanche, si mes souvenirs sont bons, le téléphone sonne et le président du Consistoire m’annonce que le cimetière israélite de Bordeaux a été vandalisé. Parmi les tombes profanées, celles de mes grands parents ont été cassées. Ma grand mère a perdu pendant la guerre en déportation ses 4 sœurs, leur mari, leurs enfants et sa maman… Mon grand père a perdu pendant la guerre en déportation son fils et son ex femme… Ma grand mère a fait partie des quatre premières parties civiles, celles qui ont déclenché l’affaire Papon… Elle s’est constituée partie civile sans aucune hésitation. Ma grand mère est morte, inculpée par Papon de dénonciation calomnieuse (voir mon témoignage et mon dialogue avec Maître Varault, l’avocat de Papon, devant la Cour d’Assises), ma grand mère a été rendue malade, par un juge, qui voulait « se payer les Juifs de l’Affaire Papon, honte à lui !» et qui a envoyé deux gendarmes lui remettre son inculpation. Je n’ose même pas décrire l’état dans lequel se trouvait ma grand mère devant une telle goujaterie. Les rescapés de ma famille ont toujours eu une peur panique devant des policiers ou des gendarmes, allant jusqu’à ne pas pouvoir mettre les pieds dans un commissariat. Ma grand mère aspirait au repos éternel.

Extrait page 507 En conclusion de ce chapitre et de ce livre…

Le racisme est universel, mais les mots pour le dire « communautarisés » Toutes les formes de racisme se valent ! Toutes les victimes de racisme se valent ! Est-ce normal d’entendre des victimes de racisme s’en prendre à d’autres victimes ? Est-ce normal de voir des Noirs tenir des propos antisémites. Est-ce normal de voir et d’entendre des Juifs tenir des propos racistes. Toutes les victimes se valent, il ne doit pas y avoir de conflit victimaire de mémoire. Xénophobie, racisme, antisémitisme, antisionisme, islamophobie, judéophobie, homophobie, antiféminisme. Autant de termes qui désignent le même mal. Mais la critique d’une religion n’est pas une forme de racisme et si la judéophobie ou l’islamophobie ont pris une connotation de racisme, c’est à tort. On peut et on doit être anticlérical sans être raciste. (…)